AGADIR. LES AMICALES ET COOPÉRATIVES IMMOBILIÈRES TRAQUÉES PAR LE FISC

par Yassine Saber – leseco.ma – 08/01/2020

Le segment des amicales et coopératives est actuellement dans le collimateur de l’administration fiscale dans plusieurs villes, notamment à Agadir. Elles sont assimilées à des entreprises de promotion immobilière.

La crise de l’immobilier sera-t-elle aggravée au Maroc ? C’est en tout cas la situation qui plane actuellement sur ce secteur constitué en plus des promoteurs immobiliers, d’amicales, de coopératives et associations d’habitat. Déjà mis en difficulté par la récente refonte de leur régime fiscal, les amicales et les coopératives d’habitat coopératif sont actuellement dans le collimateur de l’administration fiscale dans plusieurs villes du royaume. Et depuis la mise en vigueur des mesures fiscales de la Loi de finances 2018, certains groupements ont déjà subi des saisies conservatoires sur leurs titres fonciers et comptes bancaires (ATD). Pourtant, ce tissu est hors champ d’application de l’IS et de la TVA en vertu des articles n°3 et 89 du Code général des impôts. Selon la Fédération nationale des amicales d’habitation au Maroc, cette situation concerne essentiellement la région d’Agadir.

Que dit la loi ?
«Conformément aux dispositions de l’article 8-III-2 de la Loi des finances 2018, les nouvelles dispositions sont applicables aux coopératives et associations d’habitation créées à compter du 1er janvier 2018. Par conséquent, elles sont exonérées», explique Mohamed Chorfi, expert-comptable et commissaire aux comptes. Aujourd’hui, en raison du manque d’encadrement fiscal et réglementaire en particulier après la mise en vigueur de la loi, ce segment d’amicales et coopératives est actuellement asphyxié en raison de cette situation vis-à-vis de l’administration fiscale, notamment avec la Direction régionale des impôts à Agadir qui les a assimilés aux entreprises de promotion immobilière surtout après la signature du Gentlemen’s Agreement entre la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (Fnpi) et la Direction générale des impôts au titre des quatre années non prescrites.

Rétroactivité : la base d’imposition ignorée
Quoi qu’il en soit, plusieurs projets sont actuellement en stand by depuis plusieurs mois à Agadir puisque tout le fonctionnement des amicales et coopératives concernées est paralysé (saisie conservatoires et ATD) vis-à-vis des fournisseurs, maîtres d’ouvrages et surtout la livraison des logements aux adhérents. «Actuellement, personne n’assimile la base et la nature d’imposition exigée par l’administration fiscale à Agadir. Les amicales et coopératives doivent comprendre la nature de cette base», explique Moustamsik Abdelilah, président de la Fédération régionale des amicales d’habitation au Maroc dans la Région du Souss. Devant cette situation, plusieurs amicales et coopératives ont refusé de payer alors que d’autres ont emprunté la voie judiciaire. En dépit de cette situation, c’est la question de la rétroactivité imposée par les impôts qui est pointée du doigt en particulier par les associations, coopératives et amicales d’habitat créées avant le 1e janvier 2018. À ces derniers, l’administration fiscale à Agadir a exigé la régularisation de leur situation fiscale à travers deux échéances de paiement, notamment une quote part égale à 40% avant le 31 décembre 2019 et 60% avant le 30 juin 2020 en vertu des dispositions dudit accord et avec le même barème fixé pour cette catégorie.

Projets solidaires ?
«À mon avis, l’imposition doit être faite après la réception des projets et éclatement de titres. Or, si l’administration fiscale voit que le citoyen bénéficie d’un logement à moindre coût par rapport aux autres promoteurs immobiliers, on est avec le paiement d’une cotisation malgré qu’on soit exonéré. Toutefois, les montants ne doivent pas être exorbitants car en fin de compte il s’agit de projets solidaires et sociaux entre adhérents», précise Rachid Ramzi du bureau d’une amicale à Agadir. Pour sa part, la Fédération nationale des amicales d’habitation au Maroc a fait savoir que plusieurs contraintes liées essentiellement aux volets juridiques et administratifs font obstacle à l’action de ce tissu. «Malgré l’insuffisance du cadre juridique régissant le périmètre d’activité des amicales et coopératives, ce tissu, notamment les associations sectorielles ont offert lors de la crise de l’immobilier des alternatives aux citoyens avec des prix de revient moins chers», souligne Arafat Al Mounjidi, président de la Fédération nationale des amicales d’habitation au Maroc. Et d’ajouter qu’une note officielle a été envoyée aux impôts concernant la situation de notre tissu, précise-t-il.

Modifications introduites par la LF 2018
Pour rappel, dans le but d’assurer l’équité fiscale dans le traitement des opérateurs intervenant dans le domaine de la construction d’habitations, l’article 8 de la Loi des Finances n° 68-17 pour l’année budgétaire 2018 a modifié et complété les dispositions des articles 6 (I-A-1°), 7-I-B, 8-III-B, 138, 180-IV et 247-XXVII du CGI, régissant les coopératives et associations d’habitation en matière d’IS et des droits d’enregistrement. En vertu de ladite loi, les avantages fiscaux accordés aux coopératives ou aux associations d’habitation doivent avoir pour finalité de permettre à leurs membres d’acquérir un local à usage d’habitation principale. C’est pourquoi parmi les modifications introduites par ladite loi figure, entres autres, l’institution de l’obligation pour les coopératives et associations d’habitation constituées avant le 31 décembre 2017 de déposer la liste de leurs adhérents accompagnée d’un état récapitulatif de tous leurs projets d’habitation avant le 30 juin 2018 (article 247-XXVII du CGI). Cette mesure permet à l’administration de recouper les listes et d’identifier les personnes qui sont adhérentes dans plus d’une coopérative. Au cas où des personnes bénéficient de plusieurs opérations, la personne s’acquittera du tarif de droit commun des droits d’enregistrement, soit 4% de la valeur du bien au lieu de 200 DH à la cession d’un logement au coopérateur.

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